Imaginez quatre partis politiques, ou même quatre personnes d'un même parti mais voulant devenir président.
Vous imaginez là ?
Bon. Supposons maintenant qu'à force de magouilles, pots-de-vin et influences, l'une d'entre elles réussit à arriver au pouvoir malgré le fait que les autres se soient liguées après maintes trahisons et intrigues douteuses.
Vous y êtes ?
Tant mieux, car c'est un peu ce que vous propose Intrigo, sous un thème plus glamour: savoir placer ses cartes au bon endroit et au bon moment. Et si ça n'est pas possible, autant mettre celles des autres dans des positions peu avantageuses.
Comme en politique, quoi...
Matériel
Pour vous donner le ressenti après la découverte de la boîte de jeu d'Intrigo, à l'illustration magnifique et au caractère "toilé" agréable, on va faire comme on a fait: passer directement en revue son contenu.
A l'ouverture, on soulève un imposant livret de règles (cinq langues y figurent), au papier de qualité tout aussi richement dessiné. On découvre alors, isolés dans deux compartiments (enfin, nous parlons de compartiments par indulgence), le reste du matériel: un paquet de cartes carrées, un sac en tissu marqué du titre du jeu et une planche d'où on va dépuncher jetons et pièces, objets de convoitise durant la partie.
Et après avoir dépunché, on reste un peu déçu car on se rend compte que seule une face est imprimée. Dans un premier temps, on se dit que le pouvoir du "voleur" obligeait ce choix, mais on se rend compte qu'il aurait été facile de faire autrement (en retirant le jeton ou la pièce de son emplacement, tout simplement).
Un peu dommage, tout comme la taille finale des pièces, qu'on aurait préféré plus importante.
Ce sont ces seuls points chagrins qui nous empêcheront de donner la note maximale au jeu, malgré ses splendides cartes.
Car, en effet, nous ne nous sommes pas encore attardés sur ces dernières, dont on a entendu dire un peu n'importe quoi à la sortie du jeu. Les cartes ne sont pas toilées, certes, mais chose rare et étonnante: elles sont de vraies cartes.
Je m'explique: on a comparé ces cartes à celles d'autres jeux dont on disait le plus grand bien alors que ces dernières sont de simples bouts de carton à peine plus épais et bien moins flexibles. Et un bout de carton plié, ça garde une marque à vie, alors que les cartes d'Intrigo sont bien plus souples et doivent s'user moins rapidement: elles sont similaires à ce qu'on appelle une carte à jouer et non un bout de carton...
Règles
Comme précisé plus haut, le livret de règle en jette à mort de c'est de la balle que tu vas être étonné dis donc ! 64 pages, mes amis, tout de même...
Fort heureusement, seules 10 d'entre elles sont en français et la lecture, tout comme l'apprentissage, se font rapidement, sans avoir à retourner chercher un point précis durant la partie (reste à ne pas oublier chaque petit point, évidemment).
Le joueur qui débutera la partie est la personne étant la plus ambitieuse dixit les règles: si on doit suivre à la lettre cette table de la loi, il se pourrait que nos apprentis politiciens de joueurs n'arrivent jamais à se mettre d'accord pour l'entame de cette empoignade.
Pour ce qui est des lois en vigueur, tout est bien expliqué et illustré, même si les pages ont des lignes bien remplies de caractères assez petits. Petite police, donc.
Le jeu en lui-même, si on passe sa sympathique thématique, consiste à essayer d'avoir le premier soit cinq sceaux quels qu'ils soient, soit seulement quatre, mais tous différents.
Pour réussir à avoir ces blasons, sur le papier, c'est simple: deux places sur chacun des côtés du blason. Le joueur ayant la carte de plus importante valeur à côté de ce blason le remportera.
Durant son tour, un joueur peut jouer une carte sur n'importe quel emplacement libre. Seul hic: les cartes sont draftées en début de tour, et celles que vous aurez ne seront pas forcément les vôtres (enfin, celles à votre couleur). Autant dire qu'il ne sera pas toujours évident d'obtenir ce qu'on veut et que mettre des bâtons dans les roues pourra même supplanter par moments vos ambitions premières par trop irréalisables.
Fort heureusement, pour vous aider dans votre tâche, vous pourrez recruter des personnages qui viendront vous aider et/ou semer la zizanie. Comment les recruter ? L'argent, mon bon monsieur: il vous fait avoir les plus vils personnages à vos ordres: voleurs, courtisanes, assassins, colporteurs et autres comploteurs peu recommandables.
Vous vous demandez comment vous procurer cet argent, n'est-ce pas ?
Eh bien, c'est simple: de la même façon que pour les sceaux et lors de la même phase.
De plus, plus vous attendrez pour avoir recours à ces sombres stratagèmes et plus vous pourrez surprendre vos adversaires et remporter la partie sans leur laisser le temps de réagir.
Trop facile, non ?
Sauf que, plus on les réclame, et plus ils sont gourmands: si vous attendez trop, soit vous ne pourrez plus les recruter, ces derniers n'étant plus disponibles, soit il vous en coûtera bien plus que pour vos concurrents... Ah, dilemme cruel!
Et dire que parfois vous irez jusqu'à grever votre budget pour empêcher un concurrent de parvenir à la victoire...
Les règles sont d'une simplicité déconcertante et le jeu, paradoxalement, est très tactique (si on se concentre bien, on peut connaitre une bonne partie des cartes présentes dans chaque main adverse. On calculera aussi par moments les cartes encore manquantes à l'appel pour ne pas avoir de grosses surprises), en plus de proposer une forte interaction.
C'est simple, efficace, méchant et pas totalement contrôlable. Bref, pour ce genre de jeu, c'est du très bon. Reste que la fin de la partie, quand plusieurs joueurs sont au coude à coude, est une fausse bonne idée, ne laissant toutes les attentions qu'à une partie du plateau de jeu (si on peut parler de plateau...) limitée.
Nous recommandons d'ailleurs, si vous trouvez cela dommage de changer la règle en terminant le tour dans sa totalité et en gérant les égalités par le nombre de sceaux supplémentaires et/ou le nombre d'argent restant. L'ordre d'acquisition du sceau donnant les conditions de victoire devenant alors le dernier cas tranchant les égalités.
Durée de vie
Une année avant la parution de ce jeu, on aurait pu dire que les boîtes de ce format n'étaient plus légion. On pourrait, en s'aventurant quelque peu tout de même, se targuer et dire que les jeux de cette durée (40 minutes environ) et cette profondeur stratégique, étaient également moins nombreux.
Mais, qui oserait jurer, faire la promesse que l'année de parution d'Intrigo était celle où le nombre de concurrents au jeu était le plus faible ?
D'après mes sondages, personne. Et malgré ce fait là, on dénote un rapport qualité/prix (je parle d'intérêt du jeu par rapport à l'investissement en terme de durée à y faire pour y jouer) remarquable.
Oui, Intrigo sort du lot et devrait faire une carrière remarquable.
Reste que la part de guess n'est pas aussi soutenue qu'on pourrait l'imaginer et que les tactiques ne sont pas illimitées.
Mais le hasard, le fun et l'interaction présents permettront au jeu d'être ressorti de nombreuses fois. Ni lui ni vous ne cèdera, c'est certain.
Le conseil de Jedisjeux
Pour une fois, plutôt que de conseils (nous préférons vous laisser découvrir le jeu, très bon au demeurant), nous allons vous parler de variantes qui peuvent être appliquées pour plus de diversité.
Nous ne reviendrons pas sur celle proposant de jouer le dernier tour de jeu dans sa totalité: vous l'avez déjà lue.
Par contre, vous pouvez jouer à deux à ce jeu: les auteurs y avaient pensé.
Pour ce faire, jouez avec deux couleurs chacun mais avec un seul lot de cartes compteur.
On distribue quatre cartes à chaque joueur, on drafte ces cartes puis on les joue. On fait ensuite de même avec les huit cartes restantes.
Et si vous avez des pièces plus grandes et collant avec le thème, à la limite, pourquoi vous en priver ?